MISE À JOUR : Veuillez consulter le PDF pour la réponse du premier ministre Justin Trudeau

Le 1er septembre 2022

Le très honorable Justin Trudeau, C.P., député
Premier ministre du Canada
80, rue Wellington
Ottawa (Ontario)  K1A 0T8

Par courriel

Monsieur le Premier Ministre,

Nous vous écrivons à propos du problème alarmant que posent de plus en plus la haine et le harcèlement en ligne envers les journalistes et le journalisme en tant que profession. Le problème est mondial et, outre la sécurité et le bien-être des journalistes, il menace le fonctionnement même de la démocratie. De nombreux pays élaborent actuellement un plan pour contrer ce fléau. Nous demandons à la police et aux décideurs canadiens d’agir à leur tour en ce sens.

Ces attaques visent principalement les personnes racisées et les femmes journalistes, toujours plus exposées à des menaces de violence ciblées et odieuses. La tendance est claire. Dans un sondage Ipsos mené en 2021 auprès de journalistes, 72 % déclaraient avoir été victimes de harcèlement en ligne sous une forme ou une autre. Cette même année, l’Association canadienne des journalistes (ACJ) signait une déclaration commune avec de nombreuses organisations médiatiques canadiennes, affirmant qu’« il ne peut y avoir aucune tolérance pour la haine et le harcèlement envers les journalistes ou l’incitation à des attaques contre des journalistes qui font leur travail ». Et pourtant, le problème prend de l’ampleur. La nature des propos tenus et le nombre d’attaques observés dernièrement conduisent de nombreux journalistes, comme leurs organisations respectives, à craindre pour leur sécurité.

Nous demandons aux services de police d’adopter dès maintenant un ensemble de mesures pour traiter les incidents actuels, et de collaborer avec nos organisations pour combattre la violence contre les journalistes et toutes les autres victimes de la haine et du harcèlement en ligne.

Tout d’abord, bon nombre de courriels menaçants renferment un langage similaire, et ce même langage est couramment utilisé par les groupes extrémistes nationaux. Mais dans la mesure où la police exige que chaque incident fasse l’objet d’une plainte, et où chaque incident semble traité isolément, nous craignons que les rapprochements ne se fassent pas entre les cas et que tout lien avec les groupes extrémistes passe inaperçu. Cette façon de procéder n’aboutirait pas, dès lors, à contrer la menace. Les journalistes qui ont pris l’initiative de soutenir publiquement les plaignants ont eux-mêmes été la cible de courriels injurieux, ce qui porte à croire qu’on ne peut traiter les attaques comme autant d’incidents distincts : elles justifient au contraire une réponse coordonnée grâce à la coopération des corps policiers, au-delà de leurs compétences territoriales.

Ensuite, nous demandons aux services de police de revoir et d’améliorer leurs procédures respectives encadrant le dépôt d’une plainte pour discours haineux et harcèlement. À plusieurs reprises, des journalistes de nos organisations ont éprouvé des difficultés à signaler un incident de harcèlement à la police, ont attendu des heures au téléphone et, dans certains cas, ont été traités de manière brusque ou avec dédain par les agents. Non seulement cela décourage les victimes de porter plainte, mais le traumatisme considérable qu’elles subissent déjà n’en est que décuplé.

Par ailleurs, nous pensons qu’une transparence et un dialogue renforcés sont essentiels pour atteindre notre objectif commun, qui est de garantir la sécurité des journalistes et de toutes les personnes ciblées par cette haine.

En particulier, nous demandons :

  • qu’un processus soit établi par lequel les organisations médiatiques pourront fournir à la police le bilan de multiples incidents et de schémas de violence qui risqueraient d’être ignorés si la police se fonde uniquement sur les rapports de plaignants individuels;
  • que la police informe régulièrement les plaignants de l’avancement des enquêtes et des mesures mises en œuvre;
  • que, à la fois pour assister la police et alléger le fardeau des plaignants, les organisations médiatiques se voient confier un rôle officiel dans le dépôt de plaintes au nom ou aux côtés des journalistes, qui sont désormais la cible de cette haine et de ce harcèlement.

Outre l’exercice des pouvoirs policiers, les plateformes de médias sociaux, qui constituent un important canal de diffusion de telles violences, assument une responsabilité centrale dans la lutte contre ce fléau. Il reste beaucoup à faire pour que ces entreprises répondent avec célérité et efficacité aux plaintes formulées sur leurs plateformes.

Sur ces questions entre autres, les décideurs ont également un rôle à jouer. La haine et les menaces qui frappent les journalistes ont un effet paralysant qui met à mal la démocratie. C’est l’une des raisons invoquées dans un récent argumentaire, rédigé pour le compte du Conseil de l’Europe, qui appelle tous les pays membres à réunir les ministères concernés, les autorités de police, les entreprises de médias sociaux et la société civile, y compris les journalistes, afin d’élaborer des plans nationaux pour protéger ces derniers et, par là même, la démocratie. Plusieurs pays avancent à grands pas dans cette voie. Nous demandons au gouvernement du Canada d’en faire autant.

La réalité s’impose de plus en plus : le problème de la violence en ligne prend de l’ampleur, dans notre industrie comme ailleurs. Nous avons vu de près le terrible impact que peuvent avoir ces menaces et cette haine. Il s’agit là d’un préjudice grave porté à la société, qui s’étend et que nous ne pouvons nous permettre d’ignorer : nous devons trouver les moyens de le combattre, dans notre intérêt à tous.

Les signataires,

Association canadienne des journalistes (ACJ)
Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR)
Black Press Media
Canada’s National Observer
Canadaland
Canadian Association of Black Journalists
CBC/Radio-Canada
Chatelaine
CityNews
Coalition For Women In Journalism (CFWIJ)
Discourse Community Publishing
Écoles-J Canada
Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ)
Fondation pour le journalisme canadien (CJF)
Forum des journalistes canadiens sur la violence et le traumatisme
Glacier Media Group
Global News
Green Line
Journalistes pour les droits de la personne (JDP)
La Presse
La Presse Canadienne
Le Soleil et les Coops de l’information
Liberté de la presse Canada
Media Girlfriends
Médias d’Info Canada
Metroland Media Group
Narwhal, Le
National Ethnic Press and Media Council of Canada (NEPMCC)
Native American Journalists Association (NAJA)
New Canadian Media
Nouvelles nationales du Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN)
OMNI News
Overstory Media Group
PEN Canada
Postmedia
Press Forward
Press Progress
Québecor
Radio Television Digital News Association (RTDNA)
Ricochet
SCA Canada – Le syndicat des médias
The Globe and Mail
The Green Line
The Hill Times
The Logic
The Narwhal
The Toronto Star
The Tyee
The Walrus
The West End Phoenix
The Winnipeg Free Press
TVO
Unifor
Village Media

CC:

L’honourable Marco Mendicino, C.P., député
L’honorable Marci Ien, C.P., députée
L’honorable David Lametti, C.P., député
L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député
L’honorable Pablo Rodriguez, C.P., député
M. Yves-François Blanchet, chef de Bloc Québécois
Mme. Amita Kuttner, cheffe intérimaire du Parti vert du Canada
M. Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique du Canada
M. Scott Aitchison, député, candidat à la direction du Parti conservateur du Canada
M. Roman Baber, candidat à la direction du Parti conservateur du Canada
M. Jean Charest, C.P., candidat à la direction du Parti conservateur du Canada
Mme. Leslyn Lewis, députée, candidat à la direction du Parti conservateur du Canada
M. Pierre Poilievre, C.P., député, candidat à la direction du Parti conservateur du Canada